Fenêtres sur jardin

Fenêtres sur jardin, anthologie initiée et dirigée par Lydia Padellec, éditions La Lune bleue et les Trouées Poétiques, 14€

27 poètes ont répondu à l’appel de Lydia Padellec lancé durant le confinement du printemps 2020. 27 poètes inspirés par deux œuvres de LaOdina : « Jardin nu » et « Nouvelle ère 3 ». Une richesse et une grande variété dans les écrits des uns et des autres. A découvrir.
Les deux œuvres sont reproduites dans l’anthologie. La première faisant la part belle au vert et la seconde au rouge.
Sur Jardin nu
Pour pouvoir y accéder/cette clef que tu caches/en vert/ et contre tout. ( Morgan Riet)
Lire./ Se lever dans la maison silencieuse./ Encore peinte de sommeil, ouvrir la fenêtre et regarder le ciel gris. (Flora Delalande)
Sur Nouvelle ère 3
dans l’absence de contours/ de quoi souffrir //
le doute de la vie/porté au rouge. (Denis Heudré)
Ampleur de l’œil assoiffé d’horizon/en vain tu cherches le jour (Cécile Oumhani)

Chantal COULIOU, note parue dans la revue « Portulan Bleu » N°38, mai 2022

Fenêtres sur jardin

​Nous sommes pas moins de vingt-sept à tourner autour de deux œuvres de LaOdina, à l’invitation de Lydia Padellec, des éditions de la Lune Bleue, et de l’association des Trouées Poétiques.

Vingt-sept femmes et hommes d’horizons on ne peut plus différents – éloignés mais pas opposés, bien au contraire –, situant, exprimant, nommant l’arrière-scène de ces deux peintures sobres, chaudes, intimes – captations du réel, de la « vraie vie. »

Autrices et auteurs qui scrutent ce mystère antédiluvien du miroir, voit-on ou est-on vu ? Car il s’agit plus d’un miroir que d’une fenêtre, dans le fond, une fenêtre dirige vers l’extérieur ; là, tout est intérieur.

Ou bien est-ce cela, une fenêtre, une direction vers soi ; de même qu’un jardin est intime autant qu’à la vue du monde… et les mots qu’on extraie d’une peinture, ne sont-ils pas là aussi miroirs, plus que fenêtres ?

https://sipeutout.weebly.com/accueil/fenetres-sur-jardin?fbclid=IwAR2LICSaZrcjIIBuIZ1_jp_0Guq33NI4v7gOG-n5IrwEE0ELYCWWF83LUb4

Vincent Motard-Avargues, sur Si peu tout, 22 mars 2022

Au plateau des Glières

D’Hervé Martin

Une poésie plus volontariste.
Hommage à ceux qui souffrent.

Dans une volonté d’aider nos contemporains à vivre, d’interroger le monde pour aider chacun
à le comprendre, le poète écrit en écho et en révolte aux injustices, pour les écrasés, les humiliés,
les résistants aussi.
Dans le très joli petit opuscule Au plateau des Glières. Paru aux
Editions de la Lune bleue en 2010 et tiré à 50 exemplaires
seulement, le poète rend hommage à ceux pour qui Vivre
libre/mourir/telle est la devise/que cultive/le terreau de vos
corps/ Et la colombe/l’aigle/dans le ciel luttent encore/dans les
cris/rappelant la mitraille…Aux Glières/sur ce plateau/au bas de
futaies vertes/et de grises parois/vos Ombres sans cesse/
transpercent notre oubli …A cet arrachement/de vos vies/mes
pas soudain trébuchent
Ainsi dans le recueil Voyage au bout des doigts. Collectif de poètes, musiciens et plasticiens
édité en 2012, Hervé Martin rend-il hommage aux émigrés, à tous ceux qui partent heureux
/pour ce voyage/où l’espérance/nourrit ce corps transi de perte… Au fond de la tranchée/il
sue/pioche/la terre/recherchant sous la gangue/la croûte magnifique/ pour emplir/au centre de
la table/la gamelle/et les mains des enfants.

https://yveline.org/wp-content/uploads/2021/10/Herve-Martin-1.pdf

Article de Jocelyne Bernard sur « Le Pays d’Yveline », octobre 2021

Chanson de l’air tremblant

De Mérédith Le Dez

avec les gravures de Chantal Gouesbet (mars 2016, épuisé)

Fougueux destrier, surgi on ne sait d’où, tu as traversé d’un bond l’espace dans un tumulte fulgurant.
Un masque de poussière dissimulait ton visage. Le lecteur a eu à peine le temps de lever les yeux de son livre, que déjà tu avais disparu sur l’horizon.
Ainsi s’installaient autrefois les « grandes vacances »! Le rêve a un peu rétréci mais il sollicite encore le lecteur distrait, il suffirait de se laisser faire…
À lire ces mots de femme, je sens craquer mille et une barrières! « La chanson de l’air tremble sur ma robe » tandis qu’à l’ultime page du recueil, la vague verte du graveur balaye toute retenue!!!

http://lintula94.blogspot.com/2020/07/meredith-le-dez-le-destrier-du-temps.html

Roselyne Fritel, « Le Temps bleu », 27 septembre 2020

Parfois minuit parfois matin

De Gérard Cléry, avec les aquarelles de Michel Le Sage

Par sa minceur et son format, ce livre pourrait tenir dans la poche. Sauf qu’il tient du livre d’artiste : création artisanale, beau papier, cousu, tirage numéroté et signé. Il vient surtout d’une parole rare. Les aquarelles de Michel Le Sage placent les mots du poète dans le rythme cosmique des jours et des marées. Bref, le livre tient sa place et son rang dans la bibliographie de Gérard Cléry.

Marie-Josée Christien, Spered Gouez n°24, octobre 2018

Gardien de trois fois rien

d’Olivier Cousin, avec les acryliques de Lydia Padellec

Les éditions de la Lune bleue proposent de petits livres de seize pages au format A6, cousus. De beaux objets réalisés en une cinquantaine d’exemplaires numérotés. Voilà pour l’aspect physique des choses.
Ce petit livre-ci fait poèmes de pas grand chose. Instants, éphémère, bouffées, questions, ruines, une exploration de ce qui est et disparaît, de ce qui nous échappe, – comme la vie elle-même – et nous met, finalement, devant l’essentiel. Huit poèmes seulement, mais qui nous ramènent à un peu d’humilité et nous interrogent. Essentiel, oui. Et existentiel…

Regrettons que la Lune bleue ait choisi de s’éclipser… Il n’y aura plus de nouveau livre…

Alain Boudet, la Toile de l’un, septembre 2018

http://www.latoiledelun.fr/spip.php?article834&lang=fr

Parfois minuit parfois matin

De Gérard Cléry, avec les aquarelles de Michel Le Sage

La qualité d’une plaquettes de vers ne se mesure pas à sa minceur. Elle se mesure au plaisir qu’on prend à la lire et à la rareté du tirage. Et c’est le cas avec « Parfois minuit parfois matin » de Gérard Cléry… Quelques poèmes (huit seulement) ! Mais accompagnés d’aquarelles de Michel Le Sage ; on connaît depuis longtemps la perfection du travail de Lydia Padellec, à l’enseigne des éditions de la Lune bleue. Les poèmes de Gérard Cléry, plutôt descriptifs, sont cependant traversés d’une sombre inquiétude. Un petit livre précieux à conserver soigneusement dans sa bibliothèque. La couleur ne rend pas compte de la somptuosité du recueil comme elle ne dit rien des aquarelles de Michel Le Sage…

Lucien Wasselin, Chemins de lecture 2018, revue Texture (mars 2018)

http://revue-texture.fr/chemins-de-lecture-2018.html#clery

Poème en plein air

De Dominique Borée, avec les tondi/photos de Jean-Michel Le Claire

Aux éditions de la Lune bleue, vient de paraître le dernier recueil de Dominique Borée : Poème en plein air. On pourrait écrire Poète en plein air tant le bonhomme suit son petit chemin de poète en toutes saisons. Chacun des haïkus choisis avec soin est un petit tableau pour l’œil, le nez, l’oreille, la peau. la langue. La langue ? Non ? Si, goûtez « pour des prunes ».
J’ai une tendresse particulière pour ce haïku qui prétend n’en pas être* :

sur cette ombelle
toutes sortes d’insectes
– pas un seul haïku

Le haïkiste – c’est sans doute sa nature – se montre humble devant ce qu’il donne en partage. Ici, il se dégage de cet ensemble un sentiment de sérénité.
En parfaite harmonie avec l’écrit, les tondi/photos de Jean-Michel Le Claire contribuent à enrichir l’ouvrage, qui mériterait – seul regret – pagination plus généreuse.

Au rythme de quatre ouvrages par an, la belle collection des éditions de la Lune bleue, animée par Lydia Padellec, poète et artiste, a déjà accueilli Gérard Noiret, Mario Urbanet, Daniel Py, Colette Nys-Mazure, Marie-Josée Christien, Jeanine Baude, Yves Prié, Jean-Claude Touzeil, Claude Beausoleil…**

* écrit à Durcet, terre d’inspiration, s’il en est.
** Et je ne cite ici que les noms des poètes fréquentant les étagères de ma
fourbithèque©.

Yves Barré, sur son site « ah oui » (23 septembre 2016)

http://ahoui.eklablog.com/une-pensee-sauvage-a126986816

Une robe couleur de jour

De Cécile A. Holdban, avec les aquarelles de Catherine Sourdillon

 Je veux naître dans la couleur.

C. A. H

Rêvée, peut-elle être révélée ? Une robe couleur de jour de Cécile A. Holdban façonne le jour comme un matériau dont la captation légère pourrait faire naître la couleur, celle de Catherine Sourdillon dans la lucarne de la couverture : matin traçant une ligne irrégulière, sismographe de l’aube à la teneur bleue et oranger. Nous lisons les poèmes en deux langues : quatre textes bleus, la couleur de l’encre choisie, et chaque langue, le français et le hongrois, en vis-à-vis. Miroir du livre, miroir des signes autrement agencés pour deux musiques différentes, toutes deux composent l’identité de la poète. Ce petit livre précieux des éditions de Lydia Padellec, aux aquarelles soigneusement reproduites, suit la parution des Poèmes d’après chez Arfuyen.

Le poème commence en septembre :

« Quinze minutes d’autobus suffisent
pour compter ce matin par les larges fenêtres
les arches des rayons portant de l’un à l’autre
le ciel de septembre. »

Arche, alliance, dans les livres de Cécile A. Holdban, un être qui écrit cherche et affirme le lien fragile de l’instant avec l’éternité pressentie. Monde simple, viatique réduit à « la lune, un arbre/un enfant et une hirondelle. »Tout le nécessaire pour un conte, comme celui de la Princesse aux cheveux d’or ou celui du roi Mathias et ses douze princesses à marier. Mais cet univers est aussi celui du quotidien dans lequel circulent des « autobus », en page de gauche, « buszút » sur celle de droite.

Nous avons pu entendre ces poèmes dans leurs deux langues, deux mélodies aux rythmes différents, lors d’une lecture organisée par l’éditrice. Deux étages de la tour de Babel heureusement rassemblés. Étages a priori éloignés : le titre (deux mots en hongrois, cinq en français) nous montre que le hongrois est une langue agglutinante, donc très différente du français. Nous pouvons cependant reconnaître certains mots, comme « szeptemberi » pour « septembre » qui ouvre l’automne de ces poèmes, ou « orlok » pour « parfois » que nous identifions grâce à la répétition proche. D’autres nous surprennent par leur figure surmontée de signes diacritiques comme hirondelles au-dessus des blés avant la pluie et l’arc-en-ciel : « öltözöm », «újjászületni », « fehérségből ».

Les deuxième et troisième vers du quatrain cité au début de cet article, parfaits alexandrins, sont traduits sur la page d’en face par des vers de longueur très différente. Le troisième déborde :

« Negyedórányi buszút épp elég,
hogy a széles ablakokon át ma reggel
összeszámláljam az ívelt sugarakat, melyek a szeptemberi
eget kettőnk közé kifeszítik »

Il s’agit bien de deux versions différentes pour faire entendre le même poème.

C’est à l’aube que se métamorphosent les couleurs. Fugitives elles glissent, elles réveillent les tonalités, alors le superlatif absolu excède sa qualification, « beaucoup d’herbe, très verte » ; « très lentement » s’opère la levée du sommeil de nuit pour que la vie, mouvement de grâce et « temps de l’or », touche le corps. Ou est-ce l’amour ? « [T] u déplies la lumière. » « [H] erbe », « perles de givre », « elles roulent jusqu’à mes pieds », le jour ne se contente pas de rejoindre la lumière, il fait naître couleur. Raccourci saisissant, alliant la « robe couleur de jour » à la révélation de s’éprouver vivant. Tout concourt en s’éveillant à gagner l’intériorité de l’être qui dès lors rayonne. Poète, celle qui se laisse effleurer par le coudrier enchanté du monde au matin. Juxtaposition constante, elle mime la simultanéité des sensations qui se rencontrent, éclatent ou fusionnent, comme les êtres et le ciel :

« Les oiseaux cachent sous leurs ailes
les ombres de la nuit ».

Distique non ponctué, détaché, mais touchant la nuit qui n’est plus et le jour qui point. Aux intercesseurs la liberté de mettre à l’abri la nuit pour quelques heures et les fleurs à leur tour, par leurs pétales, deviennent envolée, ailes pour que le ciel soit l’espace de renaissance. Alors une double page propose deux aquarelles bleues de Catherine Sourdillon traversées par le brun comme une ligne de fuite et de vie animant l’horizon, se répondant comme les pages d’un même poème en deux langues. Tout est prêt pour la rencontre : la terre, fendue par les herbes et les oiseaux, accueille l’autre, « tu », fastueux, « main qui ouvrait l’été » à l’imparfait d’une éternité sans faille.

Isabelle Lévesque, « La pierre et le sel », juillet 2016

http://pierresel.typepad.fr/la-pierre-et-le-sel/2016/07/recueil-c%C3%A9cile-a-holdban-une-robe-couleur-de-journapsz%C3%ADn-ruh%C3%A1ban.html